

Pour comprendre l'âme du hammam berbère, il faut d'abord se projeter au cœur du Moyen Atlas, une chaîne de montagnes qui est bien plus qu'une simple géographie. C'est le berceau d'une argile unique au monde : le rhassoul (ou ghassoul). Tirant son nom du mot arabe "ghassala", qui signifie "laver", cette argile est extraite exclusivement des gisements de la vallée de la Moulouya. Depuis des millénaires, elle est le secret de beauté et de propreté des tribus berbères.
Mais l'accès à l'eau courante et chaude n'a pas toujours été facile dans ces régions. La nécessité d'un lieu de purification collective s'est imposée, et c'est là que le hammam, bien qu'inspiré des techniques romaines et popularisé par les Arabes, a été réinventé par les Berbères pour s'adapter à leur environnement et à leurs besoins.

Le hammam berbère n'a rien à voir avec les grands bâtiments en marbre des villes. Il est souvent une petite construction rustique, faite de terre cuite ou d'adobe, et intégré à l'habitat. La chaleur ne provient pas de grandes chaudières, mais d'un simple foyer à bois attenant, souvent alimenté par des branchages secs. Cette méthode artisanale diffuse une douceur enveloppante, loin de la chaleur crue et étouffante des saunas. L'humidité est légère, juste ce qu'il faut pour ouvrir les pores et préparer le corps aux soins.
L'absence de grands bassins n'est pas un oubli, mais une philosophie. L'eau est précieuse et son usage est optimisé. La purification se fait par un rituel de gommage et de lavage, non par l'immersion. C'est ici que l'essence du hammam berbère se distingue radicalement des bains romains ou turcs, axés sur l'eau et le spectacle.

Chaque semaine, la séance de hammam est un rendez-vous immuable. C'est une parenthèse loin du labeur quotidien. Dans ce lieu intime, les femmes berbères se retrouvent pour un moment de partage, d'échanges et de transmission. Ce n'est pas seulement un lieu de propreté, mais un véritable ciment social. Les secrets de famille se transmettent, les conseils s'échangent et les liens se resserrent.
Le soin débute par l'application du savon noir, une pâte onctueuse à base d'olives noires et d'huile, qui prépare la peau. Vient ensuite le rituel du gommage au kessa, un gant granuleux qui libère la peau de ses impuretés. Le point d'orgue est l'application du rhassoul, mélangé à de l'eau tiède pour former une pâte. Cette argile purifiante nourrit la peau, les cheveux et le corps.
Le hammam berbère est donc bien plus qu'une simple pratique hygiénique. C'est un voyage au cœur des traditions, un rituel de purification qui lie l'humain à sa terre et à sa communauté.
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